Robin Hood statue - 1952, James Woodford, Nottingham, Angleterre.
Robin Hood - Réalité historique ?
Avant de reprendre notre chronologie des adaptations des aventures de Robin, il est temps de se demander si une histoire réelle existait bel et bien à l'origine.
Le problème est qu'avec le peu d'informations dont nous disposons dans les premières balades (un sympathique voleur opérant sous le règne d'Edward III), il est presque impossible de cibler une origine précise du héros à cause d'un trop grand nombre de candidats potentiels.
Cependant, il faudra se contenter de ces maigres informations car les détails ajoutés à posteriori n'ont pratiquement aucune chance de venir d'une potentielle histoire vraie.
D'ailleurs, comme nous l'avions vu précédemment, les premières traces écrites datent déjà d'un siècle après les aventures qu'elles décrivent.
Pour ajouter un peu de difficulté, Robert et ses diminutifs Robin ou Robyn sont des prénoms très courants en Angleterre médiévale et les différentes versions de son surnom (hood, hode, hod...) n'aident pas vraiment à réduire le champ de recherche.
Les chances de retrouver sans l'ombre d'un doute le vrai voleur sont bien minces... Et pourtant, il existe quelques suspects.
Pour le moment, si Robin est inspiré d'un personnage historique, il y a trois candidats plus crédibles que les centaines de Robert Hood.
Le premier est Fulk FitzWarin, évoqué précédemment. Marcher lord (seigneur désigné par le roi d'Angleterre pour surveiller la frontière avec la Pays de Galles ), il fut dépossédé le 11 avril 1200 par le roi Jean sans Terre du château de Whittington fondé par son père, et ce, malgré une offre de rachat au double de celle de son autre prétendant.
L'année suivante, avec cinquante-deux compagnons dont ses trois frères William, Phillip et John, il se rebella donc contre le roi Jean, devenant alors un hors-la-loi recherché dans tout le royaume et poursuivi sur ordre du roi par Hubert de Burgh et ses cent chevaliers.
Après presque trois ans de guérilla, sa troupe et lui furent pardonnés par le roi et, en octobre 1204, il put acheter les droits de son château pour 200 marks.
Sa famille le garda ensuite jusqu'en 1420.
Sa vie est intéressante car, au-delà d'être épique et donc facile à adapter en conte, non seulement son histoire de hors-la-loi réfugié dans la forêt correspond à celle de Robin, mais de plus, ses frères et fidèles compagnons d'infortune s'appelaient également John (Little John) et William (Will Scarlet).
Il est aussi possible qu'il n'ait pas donné lui-même son vrai nom lors de son escapade pour ne pas attirer trop l'attention et éviter les troupes royales qui le cherchaient spécifiquement.
Son histoire était d'ailleurs déjà connue et romancée dans Fouke le Fitz Waryn, un texte en prose écrit en vieux français (issu d'un poème en vers aujourd'hui perdu) retrouvé dans un recueil de 1325 contenant une soixantaine de textes (recettes, puzzle mathématique, parodies de messe religieuse...) écrits en latin, français ou anglais.
Dans ce récit, on retrouve d'ailleurs plusieurs similitudes avec les premières aventures de Robin, comme lorsque John (des deux versions) capture un convoi portant des marchandises au roi et les amène dans la forêt où Robin/Fulk leur demande de lui dire sincèrement à qui ils destinent le contenu de leurs chariots s'ils veulent repartir avec. Dans les deux versions, ils sont libérés après avoir mangé avec les hors-la-loi, mais sans leurs marchandises ni même leur propre bourse, qu'ils aient dit la vérité ou non.
Cependant, s'il est très tentant de voir toutes les similitudes entre les deux histoires, beaucoup insistent sur l'étonnante disparition de la quête pour retrouver un titre de noblesse dans le conte de Robin, élément pourtant central de l'histoire de Fulk.
Certes, les personnes avançant cette étrangeté sont souvent clairement motivées par l'envie de donner des origines purement anglaises à Robin sans aucune influence d'un noble normand ou d'un texte français.
Pourtant, il est vrai qu'il est étonnant qu'un élément si important ait disparu dès les premières versions de l'histoire de Robin. Il s'agit donc plus probablement d'une influence populaire extrêmement importante au moment où la légende de Robin naquit et qui déteignit forcément sur le genre naissant du héros hors-la-loi (avec Eustache le Moine et Hereward l'Exilé).
Quoi qu'il en soit, comme dit précédemment, son histoire sera à nouveau une source d'inspiration (incontestable cette fois puisque citée comme telle) en 1598 lorsque le conte de Robin sera remanié pour lui donner des origines nobles.
- Et pour la petite histoire, une légende locale du XIIIème siècle affirme que le premier Fulk FitzWarin, l'arrière petit-fils de Payne Peveril, un proche de Guillaume le Conquérant, descendait directement de l'un des compagnons d'Arthur et que sa famille gardait le Saint Graal dans une chapelle secrète du château de Whittington... Histoire d'ajouter un côté encore plus romanesque pour justifier la reconquête du château.
Une autre très sérieuse source d'inspiration serait l'histoire de Roger Godberd qui devint hors-la-loi après s'être battu aux côtés de Simon de Montfort dans la bataille d'Evesham qui l'opposait au futur roi Edward I pendant la seconde guerre des barons en août 1265.
Après la défaite et la mort de Simon, Roger fuira dans la forêt de Sherwood où il défiera les autorités pendant quatre ans avec sa centaine d'hommes avant d'être pris par le sheriff de Nottingham, Reginald de Grey, en 1272.
Réussissant à s'échapper, un puissant chevalier du nom de Richard Foliot aidera la troupe à se cacher et la protégera des assauts du sheriff jusqu'à ce que ses terres lui soient confisquées pour avoir caché les fugitifs.
Ceux-ci seront capturés et prisonniers trois ans jusqu'au retour du roi Edward I de la huitième croisade qui les pardonnera. Roger retournera alors à sa ferme où il vivra paisiblement jusqu'à sa mort.
Cette histoire est actuellement considérée comme la plus probable source d'inspiration concernant le personnage de Robin. Pourtant, une grande partie du lien entre ces deux histoires vient du fait qu'elles se déroulent toutes les deux au même endroit. Or, les aventures de Robin ne se sont ancrées à Sherwood, dans le Nottinghamshire que des décennies plus tard, la forêt d'origine étant celle de Barnsdale, dans le Yorkshire, bien plus au sud.
C'est notamment pour ce genre de soucis chronologiques qu'il est important de chercher les origines d'un personnage uniquement à partir des informations d'origine et non pas selon la version modifiée que l'on connaît aujourd'hui.
Le dernier candidat au titre de Robin serait un paysan de Wakefield, cette fois bien dans le Yorkshire.
Selon l'antiquaire et historien Joseph Hunter (1783-1861), ce paysan, Robertus Hood, prit donc part à un soulèvement contre le duc de Lancaster (Thomas Plantagenet) en 1322.
Ils seront défaits en 1323 à Boroughbridge par les forces du roi Edward II lui-même. Cette bataille sera perdue à cause de l'arrivée pendant la nuit des troupes du sheriff de York en renfort. Celles-ci ne respecteront pas la trêve instaurée et captureront les rebelles dans leurs lits. Parmi ces troupes, se trouvait Henry de Faucumberg qui sera remercié en devenant le sheriff de Nottingham.
Suite à cette défaite, le roi leur accordera son pardon (pour braconnage, rébellion contre leur seigneur et refus de participer à la guerre contre les Écossais). Il fera également de Robert son valet et garde du corps jusqu'à sa mort en 1347 à 77ans (ce qui correspond étonnement à l'âge de la mort de Robin dans les ballades).
Cependant, des documents récemment retrouvés tendraient à prouver que le valet du roi portant ce nom était à son service avant la révolte. La fin de cette histoire est donc à prendre avec des pincettes, mais il est possible que la coïncidence de ces homonymes ait inspiré des récits postérieurs.
Pour les curieux, tous ces détails peuvent être lus dans les documents juridiques de Wakefield entre 1297 et 1333.
Cette même période est d'ailleurs particulièrement remplie de notes juridiques concernant différents "Robinhood", "Robehod" or "Robbehod" un peu partout en Angleterre.
Peut-être que la prolifération de petits criminels portant ce nom aida à populariser les ballades car beaucoup pourront dire "mais je l'ai connu ce fameux Robin !" et les raconteront à leur tour par fierté.
Une autre théorie sérieuse serait celle de l'utilisation d'un alias commun. Si un premier Robin Hood commençait à se faire connaître, d'autres auraient pu avoir l'idée de se présenter sous ce nom pour que l'on aille chercher le coupable ailleurs (le risque étant bien sûr de se retrouver accusé de plus de crimes que l'on avait réellement commis si l'on se faisait prendre).
Il y a encore un nombre incroyable de récits et personnages historiques étant de potentielles sources d'inspiration de ce conte (comme un groupe du début du XIIIème siècle dirigé par Robert Thwig qui pillait spécifiquement les monastères pour redistribuer les richesses aux plus démunis) mais finalement, aucune histoire se rapprochant de celle de Robin ni aucun homonyme ne semble coller parfaitement à la légende.
De plus, aucun ne semble avoir été l'objet d'une vague de sympathie nécessaire à la naissance spontanée d'un conte populaire. La prolifération de Robert Hood (et donc potentiellement de héros/résistants/hors-la-loi portant ce nom) dans ce contexte de mécontentement général en Angleterre a sûrement été le facteur le plus important pour la naissance de ce récit populaire sans grande cohérence avant 1495.
Pour en finir avec les origines de Robin, un peu d’étymologie, car oui, vous l'attendiez tous, c'est un élément incontournable de l'Histoire.
À l'origine, Robert est un prénom germanique, Hrodberht, composé de hrōd (gloire) et berht (brillant) qui donnera Robertus en latin avant de s'abréger sur sa forme définitive dans le nord de l'Europe continentale.
Particulièrement apprécié dans les peuples saxons, en Angleterre, le prénom gagnera une grande popularité au XIème siècle (aux côtés de Guillaume et Richard) sous le règne de Guillaume le Conquérant, fils de Robert Ier de Normandie (dit "le Magnifique"), introduisant cette forme française là où existaient déjà des versions en vieil anglais (Hrēodbēorht, Hrodberht, Hrēodbēorð, Hrœdbœrð, Hrœdberð).
Son abréviation, Robin ou Robyn est un hypocorisme, un surnom affectueux sous couvert d'un adjectif dépréciateur (comme "petit brigand" par exemple) puisqu'en anglais, rob signifie "voler", "détrousser".
Pour la petite histoire, ce mot anglais est né à la même époque, du vieux français rober (depuis le proto-germanique raubōną : "dépouiller") que l'on retrouve aujourd'hui dans "dérober".
Et pour ceux qui se posent la question, le sens du mot a dérivé de "butin de guerre" à "dépouille" (dans le sens "ce que l'on a enlevé du corps") puis en "tunique" pour finir sous sa forme moderne en "vêtement féminin" : la robe.
- Sinon, en France, le surnom de Robert c'est Bébert... et je n'essayerai même pas de chercher ses origines...
Quant au Hood qui accompagne le prénom du prince des voleurs, en anglais moderne, il signifie "capuche", d'où certaines versions où le traducteur choisit de le nommer "Robin à la capuche". Dans les premières versions, hood est écrit hode, hod ou hude car il vient du vieux saxon hōd désignant un couvre-chef souple couvrant jusqu'au cou de son porteur. Il donnera également hat (anglais) et hut (allemand) pour un chapeau. C'est d'ailleurs au début des années 1400 que la forme écrite hood apparaît pour la première fois en anglais avec une longue voyelle.
De ce fait, Hood (et ses dérivés) était un surnom également courant à l'époque de Robin car il désignait à la fois les hooders qui fabriquaient les capuches ainsi que leurs porteurs. Par extension, il finit par devenir un surnom pour les bandits qui les portaient couramment (également en référence à la longue capuche ou sac que l'on mettait sur la tête des condamnés) et le mot restera associé à une certaine idée de la volonté de rester anonyme.
Encore aujourd'hui, hood peut désigner les quartiers pauvres, les ghettos, des personnes qui en sont issues ou qui ont une affinité avec ces cultures (en référence aux hoodies qui y sont souvent portés ainsi qu'à la tenue des chanteurs et danseurs de hip-hop qui y sont nés).
- Quand au surnom français de "Robin des bois", il s'agit uniquement d'une mauvaise traduction à cause de la ressemblance phonétique entre hood et wood (bois).
Illustration parfaite du nom redondant, Robin Hood est donc un voleur au nom signifiant approximativement "petit voleur et brigand".
La prochaine fois nous reprendrons la suite de l'évolution des récits pour attaquer le XIXème siècle et le retour des aventures médiévales qui inspireront tant le cinéma du siècle suivant.
Ecrit par Anthony Barone dans Contes et Légendes le 22 Janvier 2019
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